Un dimanche sous la pluie.
Elle appelait ça l'enfer du dimanche après-midi.
Quand les heures s'allongent à n'en plus finir, quand il fait beau
dehors et qu'on a pas une seule raison de sortir. Ce dimanche là, il
pleuvait. Elle enfila un vieux jean, son préféré, et un pull en laine
troué dans la manche gauche. Prit ses cigarettes, son mp3. La voilà
partie en direction de nulle part, juste pour but de passer le temps
autrement qu'à faire la liste de ses regrets. Volume au maximum. Just
the two of us. Elle s'imagine avec lui, sur un lit au matelas défoncé,
lui glissant ses doigts sur les cordes de sa guitare et elle jouant
dans ses cheveux. Une voiture la sort de sa rêverie en l'éclaboussant
de boue. Elle n'est même pas agacée, étrangement. New soul. Elle
continue à arpenter les rues, d'un pas presque dansant, elle aurait
bien envie de courir mais marcher sous la pluie, oui, tomber sous la
pluie, beaucoup moins tentant. Elle se voit au bord de la plage, un
matin frais et venteux, pestant contre le sable qui atterrit dans son
café qui en plus n'est même plus chaud. Et lui, se moquant d'elle
gentiment. Elle savait bien que c'était niais, ridicule. Mais sa
musique la transportait dans des décors et des situations précises.
Elle ne cherchait pas, le son de sa voix lui distillait des images.
Elle souriait a présent, aux parapluies pressés. A song for you. Elle
s'arrête net. Elle cherche des yeux un place pour s'assoir. Un bout de
trottoir fera l'affaire. La pluie semble s'être calmée, elle se grille
une clope. L'eau ruissèle encore sur les pavés tristes. Mais elle est
bien loin de ce paysage pleureur.Tellement loin qu'elle n'entend pas la
voix qui l'interpelle. Il pose sa main sur son épaule.
" - Excusez moi, mademoiselle ...
Elle se retourne, surprise.
- (Benj ... c'est Benjamin. C'est
pas possible, c'est benjamin. Ma pauvre t'es encore entrain de délirer
ou quoi. Ben non tu délire pas. Non non. Tu es bien en face de lui.
Mais putain dis quelque chose.) Oui ?
- Je peux vous emprunter votre briquet ?
- Euh ... Ou .. Oui ... ( en plus il fallait que ce soit aujourd'hui, merde, j'étais pas préparée à le rencontrer par hasard ..)
- Ah ..hum .. pardon, voilà ...( et voilà, à peine tu le vois, tu te rends déjà ridicule...)
- Merci... Au fait moi c'est Benjamin
- Ama...mandine... Amandine.. (si tu savais à quel point je sais qui tu es, tu aurais, tu aurais ... peur, je crois)
- Alors, merci Amandine ...
( Oh non, pas ça, ne souris pas, je sens déjà plus mes jambes) c'est rien ..."
Il continua son chemin et disparût dans une ruelle avant qu'elle
n'ait eu le temps de réaliser. Elle aurai voulu lui dire, merci, mille
fois. Elle aurait voulu pouvoir lui dire à quel point il bousculait ses
émotions. Et pourtant rien. Elle avait voulu résister à l'hystérie qui
grouillait à l'intérieur, et au final il ne saura pas. Elle n'aurait ni
autographe, ni bise, ni photo. Elle aura frôlé sa main, et capturé son
sourire. Et c'était déjà tout.